dimanche 1 juillet 2007

Pour un cri

« Aimez-vous la terre à ce point? »Albert Camus – L’Étranger

Tout un passé lumineux se fige au contact de la réalité. Que puis-je, moi, pauvre étoile vacillante, en face des flots qui éveillent mes rêves à l’abandon de la vie?

Il est des spleens qu’une enfant tourmentée ne peut exprimer d’aucune façon au vent rageur de la ville. Mais, debout dans un champ qui s'étend au beau milieu d'une île enchantée, elle conserve précieusement le souvenir de ses courses folles parmi l'immensité jaune des fleurs sauvages, de ses rires coulant comme des grelots à travers des doigts de fées, un matin d'été.

Il est aussi des mélancolies à chevelures nocturnes qu'un poète peut goutter dans le tumulte profond de ce monde emmuré de sécheresse. Pour lui, perdre de vue son enfance, c’est un châtiment qu'il ne mérite pas et dont il ne se consolera jamais. Mais vient pourtant le jour, où il a conscience que son enfance a chaviré pour toujours quelque part entre le néant et l’infini. A partir de ce jour-là, sa bouche n’a plus que des cris silencieux et des pleurs refoulés.

C’est un de ces cris qui m’a échappé au moment où toute cette innocence, cette pureté, cette insouciance se sont entremêlées à tout jamais à celle de la mort qui nous guette. Même quand on a vingt ans.

J’ai eu beau tendre les bras, appeler dans le vide, je ne sais quelle planète a eu les regards les plus sévères envers moi. Le pire mal du poète, c’est que ce cri, si sourd soit-il, ne fait qu’ouvrir encore davantage la plaie béante de sa grande détresse face à toute la solitude du monde qui l'attend.

1964