Les mots de la mer ont mis de l’embrun sur mes
lèvres. Pendant que l’écume vient à la bouche des vagues en
s'écrasant sur la plage, du sable s’incruste sous mes pieds mouillés.
D’un geste flou, le gris de la mer teinte mes journées de même couleur.
À l'aller et retour des nuages, des hirondelles de mer et des
pluviers siffleurs sifflent des saluts amicaux aux marcheurs qui protègent
leurs nids.
Hier soir, habillée de sa robe
diaphane, la pleine lune a mis la mer dans un état second. Il
fallait voir, et surtout entendre la fureur griffée d’encre et de pluie
avec laquelle, cette dernière se jetait sur la plage dans un fracas aussi
grisant qu'affolant. Ce bruit m'est resté figé dans la tête depuis.
Ce matin, des tas d’algues brunes jonchaient la plage devant l'Ocean Rock
Hotel. Profondément ensablés, des souvenirs ont resurgi
soudainement de ma mémoire. Là-bas, sur les flots grossis par le temps
encore mauvais, les fantômes de mes vingt ans surfaient comme des oiseaux du
paradis. Puis dans mon cou, le souffle du vent m’a rappelé
des visages, des baisers, des rêves brisés aussi, bref, tous les maux de la
mer.
Old Orchard Beach, Maine
24.05.2013